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5G : Quels usages pour quelles infrastructures ?

Le 26 juin dernier, le Club Numérique et Territoires, créé et animé par Com’Publics, organisait un petit-déjeuner débat autour d’Éric Bothorel, député des Côtes-d’Armor et rapporteur de la proposition de loi sur la 5G. Cette rencontre, qui réunissait députés, sénateurs, élus locaux et professionnels du secteur a mis en lumière la complexité des enjeux liés au déploiement de la 5G.

Un nouveau réseau pour de nouveaux usages

Toutes les personnalités présentes se sont accordées sur le fait que la 5G, dont le lancement commercial est attendu pour 2020, constituait une rupture technologique source de formidables opportunités.

La 5G permettra d’avoir des latences beaucoup plus courtes, un débit plus puissant et des bandes passantes plus importantes. Elle ouvre la voie à une révolution de nos usages quotidiens. De nombreux domaines devraient bénéficier de cette nouvelle technologie, à l’image de l’e-santé avec le développement de la télé-chirurgie ou des transports avec l’essor de la voiture autonome connectée. La 5G devrait également favoriser l’émergence de villes intelligentes à l’efficacité énergétique accrue, grâce notamment à la mise en place de compteurs intelligents. La 5G promet aussi de participer au développement de l’intelligence artificielle et de la robotique et constitue un important levier de croissance pour l’industrie (capteurs sans fils, réalité augmentée, industrie 4,0). Le déploiement de cette technologie devrait s’accompagner d’importantes retombées économiques, avec notamment la création de 22 millions d’emplois au niveau mondial selon le cabinet IHS Markit, dont les chiffres font l’objet d’un large consensus[1].

La 5G permettra des usages dédiés et spécifiques et se différencie sur ce point de la 4G, sur laquelle de nombreuses applications continueront de reposer. La technologie 5G ne sera pas immédiatement nécessaire sur tous les territoires et pour tous les usages. La notion d’usage doit donc être au centre de la réflexion sur le déploiement de la technologie 5G, afin que celle-ci soit développée au plus près des besoins spécifiques des entreprises et des territoires. Cet accent mis sur la construction d’usages pourrait permettre de prévenir un possible accroissement de la fracture numérique, source de nombreuses craintes chez les Français.

La question de la commercialisation des données collectées grâce à la 5G se pose également. Celles-ci constitueront une réelle valeur pour les entreprises et les acteurs publics qui les collecteront. Un secteur marchand des données structuré et encadré pourrait voir le jour. Reste à définir selon quelles règles, alors que les préoccupations liées à préservation de la vie privée et des données personnelles se développent.

Un déploiement qui soulève de nombreux enjeux

Penser le déploiement de la 5G impose de réfléchir aux enjeux d’infrastructures que soulève l’apparition de cette nouvelle technologie. 

Le premier d’entre eux concerne la sécurité des données. Le réseau 5G mobilisera beaucoup plus de couches logicielles et de couches hardware que la 4G. Celui-ci sera donc davantage disséminé et décentralisé, ce qui posera un problème de contrôle et de résilience en cas d’attaque et de fuite de données. Le cadre réglementaire de sécurisation des réseaux de télécom doit ainsi être entièrement revu. Une proposition de loi en ce sens, portée par Éric Bothorel, député des Côtes-d’Armor, vient d’être adoptée à l’Assemblée nationale.

Vient ensuite la question des modalités de déploiement de la 5G. Les décideurs politiques doivent-ils procéder à une mutualisation des infrastructures ou miser sur la concurrence entre les différents opérateurs ? Cette rupture technologique pourrait être l’occasion de rebattre les cartes de ce que doit être le déploiement des technologies en France. Les partisans de la mutualisation des équipements y voient un moyen de faire respecter le droit de la concurrence européen, d’empêcher un nombre réduit de grands groupes de capter la nouvelle technologie et de s’assurer du déploiement de la 5G sur l’ensemble du territoire. Mais cette mutualisation pourrait également déstabiliser les opérateurs français, mis en concurrence depuis de nombreuses années, et bénéficier à de grands opérateurs extra-européens. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP), prévoit de dévoiler cette semaine les modalités d’attributions des fréquences pour les opérateurs télécoms. Des obligations de couvertures devraient être établies afin de préserver l’équilibre territorial.

Il convient également de réfléchir à la place que peuvent jouer les collectivités locales dans ce nouveau système. Celles-ci participeront à l’aménagement numérique du territoire via des concessions et des délégations de service public. Elles ont également un rôle à jouer en termes de commande publique auprès des entreprises du digital afin de stimuler l’innovation numérique.

La problématique de l’acceptabilité sociale de cette technologie apparaît enfin comme centrale. La 5G nécessitera en effet un accroissement du nombre d’antennes-relais et de data centers sur le territoire. Cette prolifération d’antennes pourrait poser des problèmes en matière d’urbanisme et susciter des craintes sanitaires et environnementales. Face à ces inquiétudes, les Français considèreront-ils comme suffisants les avancées technologiques et d’emplois permises par la 5G ? Un travail de pédagogie doit être effectué auprès des citoyens afin de les informer le plus clairement possible sur les différents résultats attendus de la mise en place de la 5G, une technologie complexe encore trop incomprise par le grand public. 

Les défis de la régulation du numérique en France et dans l’UE

La question de la 5G illustre ainsi les nombreux enjeux, à la fois économiques, juridiques et sociétaux, que recouvre la question de la transformation numérique.

Le législateur est aujourd’hui confronté au défi de réguler ce secteur afin de favoriser le développement d’une économie numérique française et européenne, tout en préservant la souveraineté nationale et les libertés fondamentales des Français. Dès lors, comment fabriquer des législations adaptées et efficaces, sans pour autant constituer un frein à l’innovation numérique et ses formidables opportunités ? Les gouvernements et parlements nationaux ont un rôle à jouer dans l’impulsion de politiques claires aux objectifs ambitieux. Ces politiques nationales se doivent toutefois d’être articulées au droit européen, qui semble être l’échelon le plus pertinent pour réguler ce domaine. La transformation digitale, dématérialisée par essence, brouille en effet les frontières étatiques et nous invite à penser de nouveaux modes de régulation.

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